20 octobre 2007
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13:00

Guy Môquet
« J'aurais voulu vivre »
Guy Môquet n’a pas choisi de mourir. Sa fin ne relève pas du sacrifice, mais de
l’assassinat. Guy Môquet avait 17 ans. Il avait soif de vivre. C’était un enfant du Front populaire, cette grande fête du peuple qui avait illuminé la France des usines cinq ans plus tôt. Guy
Môquet rêvait, comme dit la chanson, de “ marcher au-devant du bonheur ” au bras de sa blonde Odette. Tous deux flirtaient à travers le grillage séparant, à Châteaubriant, les hommes des femmes.
Sa dernière heure arrivée, en même temps que la lettre à ses parents, le jeune résistant écrivit à la jeune fille un ultime billet : “ mille caresses de ton camarade qui t’aime ”. Odette a
survécu. Elle préside aujourd’hui l’amicale des anciens internés de Châteaubriant. Ce petit mot, elle l’a gardé, pendant 60 ans, sans le montrer à personne.
Pourquoi ces 27 fusillés de Châteaubriant et les milliers d’autres qui suivirent, ces vies volées, ces amours brisées, ces torturés, ces déportés, ces civils massacrés à Villeneuve d’Ascq, à Oradour-sur-Glane ? La lettre émouvante de Guy Môquet à ses parents ne dit pas tout. C’est, resituée dans son contexte, que cette lettre prend tout son sens, avec le rappel des valeurs de justice, de fraternité, de liberté, d’émancipation humaine de ce jeune communiste qui le conduisirent à s’opposer, dès 1940, à l’expansionnisme et au racisme des nazis. La seconde guerre mondiale ne se réduit pas à un affrontement de “ patries ” contre d’autres “ patries ”. En Allemagne aussi, il y eut des résistants. Ce qui se jouait, c’était l’avenir de la civilisation humaine confrontée à un ordre fasciste qui voulait régenter le monde. Rappeler la démarche de Guy Môquet et de ses camarades, qu’ils aient été communistes ou pas, s’avère indispensable quand tout est fait pour vider l’histoire d’un contenu, trop souvent encore jugé “ politiquement incorrect ”. Il y a quelques jours, Le Figaro s’en prenait à… Guy Môquet lui-même, coupable, à ses yeux, d’avoir écrit, durant sa détention, un poème où l’on peut lire : “ Les traîtres de notre pays/Ces agents du capitalisme/Nous les chasserons hors d’ici/ Pour instaurer le socialisme ”. Celui qui dressa la liste des fusillés de Châteaubriant était pourtant bien un “ traître ”, cela va de soi, mais aussi un “ agent du capitalisme ” puisqu’il s’agissait d’un haut dirigeant du patronat sidérurgique des années trente, adversaire déclaré du Front populaire, devenu ministre de Pétain : Pierre Pucheu. Faudrait-il aujourd’hui effacer ce fait historiquement vrai ? Qui la vérité dérange-t-elle ?
Pourquoi ces 27 fusillés de Châteaubriant et les milliers d’autres qui suivirent, ces vies volées, ces amours brisées, ces torturés, ces déportés, ces civils massacrés à Villeneuve d’Ascq, à Oradour-sur-Glane ? La lettre émouvante de Guy Môquet à ses parents ne dit pas tout. C’est, resituée dans son contexte, que cette lettre prend tout son sens, avec le rappel des valeurs de justice, de fraternité, de liberté, d’émancipation humaine de ce jeune communiste qui le conduisirent à s’opposer, dès 1940, à l’expansionnisme et au racisme des nazis. La seconde guerre mondiale ne se réduit pas à un affrontement de “ patries ” contre d’autres “ patries ”. En Allemagne aussi, il y eut des résistants. Ce qui se jouait, c’était l’avenir de la civilisation humaine confrontée à un ordre fasciste qui voulait régenter le monde. Rappeler la démarche de Guy Môquet et de ses camarades, qu’ils aient été communistes ou pas, s’avère indispensable quand tout est fait pour vider l’histoire d’un contenu, trop souvent encore jugé “ politiquement incorrect ”. Il y a quelques jours, Le Figaro s’en prenait à… Guy Môquet lui-même, coupable, à ses yeux, d’avoir écrit, durant sa détention, un poème où l’on peut lire : “ Les traîtres de notre pays/Ces agents du capitalisme/Nous les chasserons hors d’ici/ Pour instaurer le socialisme ”. Celui qui dressa la liste des fusillés de Châteaubriant était pourtant bien un “ traître ”, cela va de soi, mais aussi un “ agent du capitalisme ” puisqu’il s’agissait d’un haut dirigeant du patronat sidérurgique des années trente, adversaire déclaré du Front populaire, devenu ministre de Pétain : Pierre Pucheu. Faudrait-il aujourd’hui effacer ce fait historiquement vrai ? Qui la vérité dérange-t-elle ?
Si Guy Môquet avait 17 ans aujourd’hui, on devine aisément ses révoltes, ses colères. Il s’opposerait sûrement à la
politique de la droite, aux licenciements, aux fermetures de classe, à la casse du système de santé solidaire, aux expulsions de sans-papiers, à la mise en place de tests ADN pour définir la
filiation des enfants. Contre ceux qui s’efforcent, en définitive, de liquider le modèle social issu de la Résistance, il nous dirait de résister.
« Enfants, chantez et rechantez le pain, la paix, la liberté »
Louis Aragon

En octobre 1941, le camp de Châteaubriant regroupaient quelques 600 détenu-es politiques.
Le crime de Châteaubriant
• Lundi 20 octobre 1941 à 7h30 du matin, rue du Roi Albert
à Nantes, un groupe de jeunes résistants abattent le lieutenant-colonel Holtz, Feldkommandant de la place. Le général Stuelpnagel, commandant des forces allemandes en France, annonce aussitôt que
50 otages seront fusillés en guise de représailles. 50 autres le seront également si les auteurs de l’attentat ne sont pas arrêtés dans les huit jours. Des affiches sont placardées jusqu’à Paris.
Les allemands offrent 15 millions de francs à ceux qui donneraient des renseignements sur les “ terroristes ”.
En début d’après-midi de ce lundi, un officier de la Kommandantur de Nantes rencontre les responsables du camp de Châteaubriant. Il leur demande de préparer une liste de détenus parmi lesquels les autorités françaises choisiront ceux qui seront exécutés.
Le camp de Châteaubriant, appelé aussi camp de Choisel, dépend du sous-préfet de Loire-Atlantique (à l’époque Loire-Inférieure). Il est surveillé par des gendarmes français et regroupe environ 600 détenus dont certains depuis avril 1940 : syndicalistes, responsables des mouvements du Front populaire, communistes arrêtés par le gouvernement de Vichy parfois dès décembre 1939.
• Mardi 21 octobre, Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain est dans son bureau. Il a devant lui la fameuse liste en provenance de Châteaubriant. Les noms de 200 communistes “ particulièrement dangereux ” y figurent. Pucheu en choisit 61. Ce membre éminent du comité des Forges et de la Confédération générale de la production française, l’ancêtre du Medef, désigne en particulier des syndicalistes qui se sont illustrés lors des grèves de 36 : Jean-Pierre Timbaud, secrétaire des métaux CGT de la région parisienne, Jules Vercruysse, responsable du textile CGT, Désiré Granet, responsable de la fédération CGT du papier-carton, Jean Grandel, de la fédération postale… C’est le Front populaire qu’on assassine. Sur les 27 finalement retenus pour être exécutés, 26 sont communistes. Ce n’est pas un hasard. Parmi eux, des jeunes : David Émile, 19 ans, secrétaire des Jeunes communistes de Nantes, Huynh-Khuong An, 29 ans, secrétaire des Étudiants communistes de Lyon, Charles Delavacquerie “ qui avait dix-neuf ans et en paraissait quinze ” écrira Aragon. Le moins âgé s’appelle Guy Môquet. Fils du député communiste Prosper Môquet, détenu au bagne d’Alger, il n’a pas 17 ans.
Pendant ce temps, au camp de Châteaubriant c’est l’effervescence. La nouvelle de l’attentat de Nantes est parvenue aux détenus qui sont consignés dans leurs baraques. Des soldats allemands sont venus relever les gendarmes. L’un d’eux avertit Charles Michels que les responsables politiques vont être fusillés. Jean-Pierre Timbaud (Tintin comme l’appelle G. Môquet dans sa lettre), Charles Michels rencontrent Odette Niles et Andrée Vermeersch à l’infirmerie. Elles ont à peu près l’âge de Guy Môquet. Timbaud leur dit : “ Si je meurs, je voudrais des œillets rouges sur ma tombe”. Michels embrasse les deux jeunes femmes en leur disant qu’ “ elles lui font penser à ses filles ”.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, les responsables des baraques sont réunis. Que faire ? L’idée d’un soulèvement est avancée, mais n’est pas retenue. Les Allemands sont surarmés. En cas de rébellion, ils feraient un massacre.
• Mercredi 22 octobre à midi, tous les détenus sont enfermés dans leurs baraques, un gendarme devant chaque porte. Un fusil-mitrailleur est mis en position devant la baraque 6.
Vers 13 h30, les gendarmes arrivent en ordre vers la baraque 19. L’adjudant poste ses hommes à l’intérieur du camp, le long des barbelés. Les allemands arrivent suivis par le lieutenant de gendarmerie Touya (1). C’est lui qui parle : “ Salut, messieurs, préparez-vous à sortir à l’appel de votre nom. ”. Seize hommes sont ainsi désignés. 11 autres le seront dans d’autres baraques, dont Guy Môquet à la baraque 10 et Gardette, malade à l’infirmerie. Tous sont regroupés dans la baraque 6.
Chaque otage reçoit alors une feuille de papier et une enveloppe pour rédiger une dernière lettre à sa famille. L’abbé Moyon, mandaté par les autorités, entre dans la baraque. Le curé de Châteaubriant s’est récusé. Aucun condamné n’accepte le ministère de l’abbé, mais celui-ci prend la correspondance et les objets destinés aux familles. Eugène Kerivel est autorisé à faire ses adieux à sa femme, internée elle aussi dans le camp. Elle propose d’ailleurs de prendre la place de Guy Môquet. Pas question disent les autorités. L’abbé Moyon sort une demi-heure avant les otages. Les Allemands refusent qu’il les accompagne.
Sur les planches de leur baraquement, les condamnés inscrivent leur dernière pensée évoquant l’idéal pour lequel ils ont lutté. Ces planches seront ensuite soigneusement découpées et mises à l’abri.
• A 15h15, les camions arrivent et embarquent les 27 otages, par groupes de neuf. Dès leur départ, ceux-ci entonnent la Marseillaise. Tous les internés forcent alors les portes de leurs baraques, se rassemblent et reprennent la Marseillaise, en réponse à celle de leurs camarades. Ils apprennent que ceux-ci seront fusillés en trois vagues à un quart d’heure d’intervalle : 15h45, 16h, 16h15.
Au moment d’embarquer, le docteur Maurice Tenine s’adresse à un officier allemand. “ C’est un honneur pour nous, Français, de tomber sous les balles allemandes. Mais, c’est un crime de tuer un gosse ” dit-il en montrant Guy Môquet.
Les martyrs sont amenés dans une carrière aménagée spécialement à deux kilomètres du camp : la Sablière. Le long de la paroi nord, devant un rideau d’ajoncs et de genêts, neuf poteaux ont été plantés espacés chacun de cinq mètres.
A une dizaine de mètres devant, un officier nazi s’appuie le long d’un arbre pour commander un peloton d’exécution de 90 hommes.
Les condamnés refusent d’avoir les yeux bandés et les mains attachés. Ils chantent jusqu’au bout la Marseillaise. On entend aussi l’Internationale. Une dernière salve. C’est fini. Guy Môquet, rapportera un garde mobile, était évanoui au moment où il a été fusillé. Des lambeaux de chair ont été projetés dans les herbes, où l’on retrouvera plus tard les lunettes du professeur Gueguen, maire de Concarneau.
Dans le camp de Châteaubriant, où l’on a entendu les détonations, règne un silence absolu. Les détenus pensent à leurs camarades qu’ils côtoyaient chaque jour et qu’ils ne reverront plus. L’appel aux morts est prononcé par Henri Gautier. A chaque nom, quelqu’un répond : “ fusillé ”.
Dans la carrière, les corps sont entassés dans les camions qui repartent. Tout le long de la route, du sang s’échappe, laissant une longue trace. Les dépouilles sont emmenées au château de la ville, où elles sont jetées à gauche de l’escalier d’honneur de l’ancienne salle des gardes. Les corps seront enterrés dans les divers cimetières de la région. Sur les tombes, pas de nom, seulement un numéro.
Le même jour, seize otages ont été fusillés au champ de tir du Bêle à Nantes, cinq autres au Mont Valérien. Pour les autorités allemandes, les 27 de Châteaubriant ne faisaient pas le compte…
• Ce soir du 22 octobre, le maréchal Pétain parle à la radio. Il ne condamne pas les exécutions. Il dénonce, au contraire, les résistants auteurs d'attentats et enjoint aux Français de se dresser contre eux, en les poussant à la délation.
A Châteaubriant, l’appel n’est guère entendu. Dès le lendemain de la fusillade, et malgré les interdictions, des Castelbriantais se rendent à la sablière pour déposer des fleurs au pied des poteaux d’exécution. Ils reviendront par centaines, le dimanche qui suit.
Dans le courant de 1942, Louis Aragon s’appuie sur les renseignements obtenus auprès des internés pour écrire le récit de l’exécution des 27. Imprimé sous forme de brochure à destination de toute la France, ce texte signé “ le Témoin des martyrs”, sera lu sur les ondes de Radio-Londres, Radio-Moscou, et publié dans la presse alliée. Le monde entier sera ainsi mis au courant du martyr de Guy Môquet et de ses 26 camarades. “ Est-ce bien la France, direz-vous, où se passent des choses pareilles ? écrit Aragon. Oui, c’est la France, soyez-en sûrs. Car ces vingt-sept hommes représentent la France mieux que ceux qui les ont désignés aux bourreaux allemands. Leur sang n’a pas coulé en vain ”.
1) Placée en résidence surveillée à la libération, le lieutenant Touya sera libéré, promu capitaine et décoré de la Légion d’honneur.
En début d’après-midi de ce lundi, un officier de la Kommandantur de Nantes rencontre les responsables du camp de Châteaubriant. Il leur demande de préparer une liste de détenus parmi lesquels les autorités françaises choisiront ceux qui seront exécutés.
Le camp de Châteaubriant, appelé aussi camp de Choisel, dépend du sous-préfet de Loire-Atlantique (à l’époque Loire-Inférieure). Il est surveillé par des gendarmes français et regroupe environ 600 détenus dont certains depuis avril 1940 : syndicalistes, responsables des mouvements du Front populaire, communistes arrêtés par le gouvernement de Vichy parfois dès décembre 1939.
• Mardi 21 octobre, Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain est dans son bureau. Il a devant lui la fameuse liste en provenance de Châteaubriant. Les noms de 200 communistes “ particulièrement dangereux ” y figurent. Pucheu en choisit 61. Ce membre éminent du comité des Forges et de la Confédération générale de la production française, l’ancêtre du Medef, désigne en particulier des syndicalistes qui se sont illustrés lors des grèves de 36 : Jean-Pierre Timbaud, secrétaire des métaux CGT de la région parisienne, Jules Vercruysse, responsable du textile CGT, Désiré Granet, responsable de la fédération CGT du papier-carton, Jean Grandel, de la fédération postale… C’est le Front populaire qu’on assassine. Sur les 27 finalement retenus pour être exécutés, 26 sont communistes. Ce n’est pas un hasard. Parmi eux, des jeunes : David Émile, 19 ans, secrétaire des Jeunes communistes de Nantes, Huynh-Khuong An, 29 ans, secrétaire des Étudiants communistes de Lyon, Charles Delavacquerie “ qui avait dix-neuf ans et en paraissait quinze ” écrira Aragon. Le moins âgé s’appelle Guy Môquet. Fils du député communiste Prosper Môquet, détenu au bagne d’Alger, il n’a pas 17 ans.
Pendant ce temps, au camp de Châteaubriant c’est l’effervescence. La nouvelle de l’attentat de Nantes est parvenue aux détenus qui sont consignés dans leurs baraques. Des soldats allemands sont venus relever les gendarmes. L’un d’eux avertit Charles Michels que les responsables politiques vont être fusillés. Jean-Pierre Timbaud (Tintin comme l’appelle G. Môquet dans sa lettre), Charles Michels rencontrent Odette Niles et Andrée Vermeersch à l’infirmerie. Elles ont à peu près l’âge de Guy Môquet. Timbaud leur dit : “ Si je meurs, je voudrais des œillets rouges sur ma tombe”. Michels embrasse les deux jeunes femmes en leur disant qu’ “ elles lui font penser à ses filles ”.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, les responsables des baraques sont réunis. Que faire ? L’idée d’un soulèvement est avancée, mais n’est pas retenue. Les Allemands sont surarmés. En cas de rébellion, ils feraient un massacre.
• Mercredi 22 octobre à midi, tous les détenus sont enfermés dans leurs baraques, un gendarme devant chaque porte. Un fusil-mitrailleur est mis en position devant la baraque 6.
Vers 13 h30, les gendarmes arrivent en ordre vers la baraque 19. L’adjudant poste ses hommes à l’intérieur du camp, le long des barbelés. Les allemands arrivent suivis par le lieutenant de gendarmerie Touya (1). C’est lui qui parle : “ Salut, messieurs, préparez-vous à sortir à l’appel de votre nom. ”. Seize hommes sont ainsi désignés. 11 autres le seront dans d’autres baraques, dont Guy Môquet à la baraque 10 et Gardette, malade à l’infirmerie. Tous sont regroupés dans la baraque 6.
Chaque otage reçoit alors une feuille de papier et une enveloppe pour rédiger une dernière lettre à sa famille. L’abbé Moyon, mandaté par les autorités, entre dans la baraque. Le curé de Châteaubriant s’est récusé. Aucun condamné n’accepte le ministère de l’abbé, mais celui-ci prend la correspondance et les objets destinés aux familles. Eugène Kerivel est autorisé à faire ses adieux à sa femme, internée elle aussi dans le camp. Elle propose d’ailleurs de prendre la place de Guy Môquet. Pas question disent les autorités. L’abbé Moyon sort une demi-heure avant les otages. Les Allemands refusent qu’il les accompagne.
Sur les planches de leur baraquement, les condamnés inscrivent leur dernière pensée évoquant l’idéal pour lequel ils ont lutté. Ces planches seront ensuite soigneusement découpées et mises à l’abri.
• A 15h15, les camions arrivent et embarquent les 27 otages, par groupes de neuf. Dès leur départ, ceux-ci entonnent la Marseillaise. Tous les internés forcent alors les portes de leurs baraques, se rassemblent et reprennent la Marseillaise, en réponse à celle de leurs camarades. Ils apprennent que ceux-ci seront fusillés en trois vagues à un quart d’heure d’intervalle : 15h45, 16h, 16h15.
Au moment d’embarquer, le docteur Maurice Tenine s’adresse à un officier allemand. “ C’est un honneur pour nous, Français, de tomber sous les balles allemandes. Mais, c’est un crime de tuer un gosse ” dit-il en montrant Guy Môquet.
Les martyrs sont amenés dans une carrière aménagée spécialement à deux kilomètres du camp : la Sablière. Le long de la paroi nord, devant un rideau d’ajoncs et de genêts, neuf poteaux ont été plantés espacés chacun de cinq mètres.
A une dizaine de mètres devant, un officier nazi s’appuie le long d’un arbre pour commander un peloton d’exécution de 90 hommes.
Les condamnés refusent d’avoir les yeux bandés et les mains attachés. Ils chantent jusqu’au bout la Marseillaise. On entend aussi l’Internationale. Une dernière salve. C’est fini. Guy Môquet, rapportera un garde mobile, était évanoui au moment où il a été fusillé. Des lambeaux de chair ont été projetés dans les herbes, où l’on retrouvera plus tard les lunettes du professeur Gueguen, maire de Concarneau.
Dans le camp de Châteaubriant, où l’on a entendu les détonations, règne un silence absolu. Les détenus pensent à leurs camarades qu’ils côtoyaient chaque jour et qu’ils ne reverront plus. L’appel aux morts est prononcé par Henri Gautier. A chaque nom, quelqu’un répond : “ fusillé ”.
Dans la carrière, les corps sont entassés dans les camions qui repartent. Tout le long de la route, du sang s’échappe, laissant une longue trace. Les dépouilles sont emmenées au château de la ville, où elles sont jetées à gauche de l’escalier d’honneur de l’ancienne salle des gardes. Les corps seront enterrés dans les divers cimetières de la région. Sur les tombes, pas de nom, seulement un numéro.
Le même jour, seize otages ont été fusillés au champ de tir du Bêle à Nantes, cinq autres au Mont Valérien. Pour les autorités allemandes, les 27 de Châteaubriant ne faisaient pas le compte…
• Ce soir du 22 octobre, le maréchal Pétain parle à la radio. Il ne condamne pas les exécutions. Il dénonce, au contraire, les résistants auteurs d'attentats et enjoint aux Français de se dresser contre eux, en les poussant à la délation.
A Châteaubriant, l’appel n’est guère entendu. Dès le lendemain de la fusillade, et malgré les interdictions, des Castelbriantais se rendent à la sablière pour déposer des fleurs au pied des poteaux d’exécution. Ils reviendront par centaines, le dimanche qui suit.
Dans le courant de 1942, Louis Aragon s’appuie sur les renseignements obtenus auprès des internés pour écrire le récit de l’exécution des 27. Imprimé sous forme de brochure à destination de toute la France, ce texte signé “ le Témoin des martyrs”, sera lu sur les ondes de Radio-Londres, Radio-Moscou, et publié dans la presse alliée. Le monde entier sera ainsi mis au courant du martyr de Guy Môquet et de ses 26 camarades. “ Est-ce bien la France, direz-vous, où se passent des choses pareilles ? écrit Aragon. Oui, c’est la France, soyez-en sûrs. Car ces vingt-sept hommes représentent la France mieux que ceux qui les ont désignés aux bourreaux allemands. Leur sang n’a pas coulé en vain ”.
1) Placée en résidence surveillée à la libération, le lieutenant Touya sera libéré, promu capitaine et décoré de la Légion d’honneur.
Article paru dans le numéro 776 de Liberté
Hebdo. JC Seclin, Templemars, Vendeville,Wattignies,
Haubourdin, Emmerin, Houplin-Ancoisne,Santes, Wavrin, Don, Allenes les
Marais, Carnin, Annoeullin, Bauvin, Provin, Gondecourt,Avelin, Martinsart, Attiches, Phalempin, Tourmignies,
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