Le rapport Hetzel
Une bombe pour l'enseignement supérieur.
Tous ensemble, désamorçons la pour de bon !
Il y a quelques mois, alors que 3 millions de personnes investissaient les rues pour dire Non à la
précarité, le gouvernement lançait une nouvelle piste de réflexion pour répondre au problème de l'insertion professionnelle : le rapport hetzel était né. Il se dresse aujourd'hui comme une épée
de damoclès au dessus de l'enseignement supérieur. Bon nombres de propositions du rapport se retrouvent dans la réforme pécresse. Retour sur la "bombe hetzel"
Introduction
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Tout d’abord une petite présentation du personnage. Mr Hetzel recteur de l’Académie de Limoges est aussi agrégé de sciences de gestion,
Docteur en sciences de gestion, Activité d’enseignement Gestion commerciale - marketing, expert auprès d’entreprises, membre de l’Académie des sciences commerciales, membre du jury pour le
recrutement d’élèves commissaires de l’armée de terre, de la marine et de l’air.
Ses publications sont : « L’encastrement relationnel et institutionnel comme grille de lecture de la relation
entreprise-consommateur », « Le marketing relationnel, PUF, 2004 ».
C’est donc à ce genre de personnage que le gouvernement remet le sort de l’Enseignement Supérieur, ce qui ne laisse présager rien de très
révolutionnaire quant aux futures réformes de l’Enseignement.
Mr Hetzel se situe dans la droite ligne des théoritiens libéraux et néo-libéraux les plus durs. Ses références sont d’une part les
théories de J.-B. Say, qui présupposent que l’offre crée sa propre demande, lorsqu’il s’agit de traiter les débouchées, et d’autre part le malthusiannisme, qui a inspiré Darwin quant à sa théorie
de la sélection naturelle, lorsque qu’il s’agit d’aborder une « orientation active et intelligente » des étudiants, bien qu’il s’en défende.
Le rapport Hetzel choque tout d’abord de par la composition de la Commission du débat national. Sur les 14 membres qui la composent 8 sont
issus de le communauté universitaire (Professeurs, Présidents d’université et recteur) et 6 viennent du secteur privé (DRH, Conseiller et autres pontes des multinationales, journaliste aux
Echos), bref que du beau monde mais aucun représentant des étudiants ou du personnel des universités à croire que cela ne nous concerne pas. De plus, selon Hetzel et ses sbires, les débats
auraient eut lieu « dans un esprit de sérénité », ignorant les condamnations judiciaires d’étudiants à Aix en marge de ce débat, ignorant aussi les étudiants qui se virent refuser
l’accès à ce débat à la Sorbonne ainsi que dans d’autres villes.
Il choque ensuite par son contenu reposant sur trois constats : le taux d’échec à l’université, la dégradation de l’insertion
professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur et, le meilleur pour la fin, l’impression que désormais les étudiants, par crainte de la déqualification de leurs diplômes et de la
précarité, sont prêts à « saisir toutes les opportunités pour réussir » et qu’on peut donc faire accepter à la jeunesse toutes les réformes.
Pour remédier à ces trois constats, le rapport Hetzel préconise : pour lutter contre l’échec universitaire, une plus grande sélection à
l’entrée à l’université ainsi que la mise en place de voies de garage professionnalisées pour les étudiants qui n’auraient pas les « aptitudes » requises ; pour améliorer
l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, il propose d’adapter l’offre universitaire, c’est à dire de bazarder les filières sans débouchées ; et enfin, profitant de la lassitude et
des craintes des étudiants, il veut vendre les universités au entreprises.
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Un alibi : la lutte contre l’echec scolaire
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Sous couvert d’une volonté de réduire le taux d’échec scolaire à l’université, le rapport Hetzel préconise un sélection plus stricte des
étudiants parmi le « vivier » des lycéens. Cette sélection est proposée hypocritement au nom de l’égalité des chances afin de permettre à chaque étudiant d’optimiser ses aptitudes,
présupposées naturelles, dans des filières adaptées à ses capacités. Elle se fera, entre autre, par des entretiens du futur bachelier à l’université où sera établi un contrat type. En cas de
refus de l’étudiant de se présenter à l’entretien, l’université pourra lui refuser son inscription en fac. Si le contrat et les objectifs fixés entre l’étudiant et l’université ne sont pas
respectés car il n’a pas les « aptitudes » requises, il sera réorienté vers des filières poubelle professionnalisantes, en quelque sorte un « cfa du supérieur ». Autrement
dit, certains ont des aptitudes leurs permettant d’accéder aux filières d’excellence (conformément à la politique des PRES - Poles de Recherche et d’Enseignement Supérieur), définies selon les
critères du MEDEF, et les autres seront relégués dans des filières pros où ils seront formés selon les besoins de main d’oeuvre des entreprises locales. Ces tentatives d’influer sur le choix de
l’élève sont in-acceptable car logiquement le bac est suffisamment un élément discriminant pour départager celles et ceux qui peuvent accéder à l’université. Cette sélection non dissimulée à la
fin du 1er semestre se rajoute à la pré-sélection à l’entrée de la fac et est en totale cohérence avec le décret de révision de l’arrêté master qui vise à instaurer une sélection entre la L3 et
le M1.
Partant du constat d’un échec scolaire trop important et en affichant l’objectif de 50% de diplômés de l’enseignement supérieur, ce rapport
masque et occulte délibérément les causes de ce taux d’échec scolaire. Pour cause, on pourrait aborder la question de la précarité des étudiants poussant la moitié d’entre eux à se salarier afin
d’assumer le coût de leurs études malgré un système de bourses pour le moins insuffisant. Le rapport y fait pourtant allusion mais ne propose aucune solution. Autre cause, le manque de moyens
matériels et humains dans les université. Pour pallier ce manque le rapport propose, non pas d’augmenter le financement de l’Etat aux universités, mais plutôt d’affaiblir les filières non
rentables pour le secteur privé. Ainsi, le rapport Hetzel propose qu’une partie des moyens attribués aux universités résulte d’un calcul annuel « en fonction des résultats obtenus par
l’université en matière d’insertion professionelle ».
Enfin, l’échec des étudiants pourrait aussi être expliqué par le fait qu’il ne soit pas ou plus au cœur des préoccupations de l’Enseignement
supérieur bien plus occupé à servir les intérêts du patronat. Et ce n’est pas Hetzel qui replacera l’étudiant au centre de l’université. Les préconisations du rapport Hetzel soulèvent plusieurs
interrogations. Comment seront financés les entretiens individuels des futurs bacheliers ? Trois solutions sont à craindre. Que ses coûts soient supportés par les universités elles-même,
cela signifie qu’elles devront trouver des fonds supplémentaires, autrement dit soit elles augmentent leurs frais d’inscriptions soit elles font appel à des financements privés aux entreprises
locales, qui en échanges demanderont certaines contreparties. Ou bien que ces entretiens soient payés directement par les candidats à l’entrée à l’université comme c’est déjà le cas pour
certaines écoles (ex à l’IRTS). Ce rapport remet en cause deux principes fondamentaux de l’enseignement public : la pseudo gratuité du service public et l’égalité des chances. Enfin, alors
que l’université payante est un des symboles visibles de l’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur en fonction du milieu social, chaque établissement est autorisé à exonérer de frais
d’inscription, outre les boursiers exonérés de fait, 10% de ses étudiant-e-s. Ainsi, à Rennes 2, ce sont 2 000 étudiant-e-s peu aisés qui pourraient bénéficier de la gratuité chaque année, mais
l’an dernier nous atteignons encore difficilement les... 151 étudiant-e-s bénéficiaires !
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Un remède : la professionnalisation
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Ce rapport dit vouloir combattre le fort chômage des jeunes diplômés, oubliant que même dans les filières de lettres et sciences humaines le
taux de chômage est inversement proportionnel au niveau d’étude, oubliant surtout que le gouvernement continue à diminuer de façon drastique le recrutement dans la fonction publique, créant ainsi
toujours plus de chômage. Le but affiché est d’ « adapter l’université au marché du travail » (lettre introductive au rapport). Entre autres propositions on trouve la préconisation de
Conseils d’Orientation Stratégiques (COS), conseils qui épauleraient les conseils d’administration. Ces conseils seraient en majeure partie composés de personnalités extérieures, non élues,
notamment des employeur-e-s. Ce n’est pas une nouveauté puisque les COS étaient déjà intégrés dans la Loi de Modernisation Universitaire (LMU) sur laquelle le gouvernement avait du reculer en
2003, face à la mobilisation des étudiant-e-s et enseignant-e-s. Les COS sont aussi prévus dans la gestion des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieurs (PRES).
Autre proposition choquante, rendre obligatoire les stages dans toutes les formations (p41) et de multiplier le nombre
d’étudiant-e-s/apprenti-e-s, les formations en alternance à l’université (p48). Nous avons obtenu la suppression d’un contrat précaire après 2 mois de grève (le CPE) et on nous propose plus de
contrats précaires, non payés en dessous de 6 mois (les stages) ou permettant à l’employeur des économies substantielles, ce qui lui permettra... de ne pas embaucher de jeunes diplômé-e-s au prix
fort (les apprenti-e-s). La professionnalisation des filières universitaires soulève aussi la question des filières professionnelles déjà existantes (CAP, BEP, Bac Pro), considérées comme peu
qualifiées en seront d’autant plus dénigrées et disqualifiées. Avec la volonté de créer un « CFA du supérieur » cela présuppose un CFA de l’inférieur, de seconde zone et ses diplômés
risquent sérieusement d’en pâtir et de se voir rencardés au rang des chômeurs.
Enfin le rapport propose de favoriser les filières courtes et professionnalisantes (dans son projet d’établissement, rennes 2 veut doubler le
nombre de licences pros, en allant donc dans le meme sens que le rapport hetzel) qui ne permettent pas l’acquisition d’une culture large et de connaissances multiples mais préparent à un seul
métier. Que se passe-t-il si on n’est pas reçu au concours préparé (cas de la fonction publique) ou si on est viré de la boite pour laquelle on a été formé. Cela pose aussi le problème de la
mobilité des étudiants. Tout d’abord en jouant sur la carte scolaire et en limitant les dérogations (c’est par exemple le cas à Rennes 2 pour la L1 de psycho). Mais surtout une
professionnalisation accrue des filières en fonction des besoins économiques locaux contraint le futur salarié à croupir dans la région où il a été formé. Que se passe-t-il si les besoins
économiques locaux changent ?
A Rennes 2 dans le Projet d’Etablissement 2008-2011, il est prévu de doubler le nombre de licences pros, mais encore faut-il voir à quoi vont
ressembler les filières générales. Des le 2nd semestre (après la sélection préconisée par le rapport Hetzel ?), il faudra choisir un champ professionnel, les options et unités de
diversification disparaissent des cursus dans lesquels, outre la langue, ne figurent que des cours visant à intégrer les savoir-faire nécessaire à un métier (unité fondamentale, méthodologie,
unité de spécialisation). En réalité, ça fait depuis 2004 que notre université sape tous les dispositifs susceptibles de réduire la sélection sociale ; suppression de la compensation
inter-semestrielle en master (tentative de faire de même en licence), suppression du report des notes entre juin et septembre dans certains cas, suppression des 2 mois de révisions avant la
session de septembre ... Quant à la sélection entre la L3 et le M1, Rennes 2 s’y est bien préparée dès 2004 en supprimant le passage AJAC entre les 2.
Pour répondre à ces préconisations, les universités seront, et c’est déjà le cas, de plus en plus encouragées à recourir au
maximum aux fonds privés (p62) (ce qui pose la question de la privatisation mais aussi de l’inégalité entre les facs sises dans un bassin d’emploi local riche et les autres, entre les filières
que le patronat jugera rentable et les autres).
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Un objectif : marchandisation de l’education
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Ne soyons pas dupes, l’objectif du rapport Hetzel est bien de pousser à une marchandisation toujours plus grande de l’éducation. Cette volonté
de se débarrasser de sa mission d’éducation, ou de tout autre service encore un tant soit peu public, est récurrente dans l’action gouvernementale. Ainsi sacrifiée sur l’autel du libéralisme,
l’Université devient un gigantesque marché de concurrence libre et non faussée, où s’échangent des compétences, des débouchés dont les prix se fixent naturellement « comme guidés par une
main invisible » comme le voulait Adam Smith, père fondateur de la pensée libérale, argument bien pratique puisque personne ne peut être incriminé car personne n’en est responsable. Un
responsable est pourtant identifiable, l’Union Européenne et les contraintes de l’idéologie libérale qu’elle fait peser sur les nations. Ces contraintes prennent les noms de Traité de Maastricht,
AGCS, directive Bolkeinstein ou encore de TCE. Toutefois il faut garder en tête que se sont ces même nations qui font l’UE.
En beaucoup de point ce rapport ressemble à des mesures contenues dans les grandes réformes de l’éducation, il est notamment semblable en de
nombreux points à la loi Fillon qui amorçait l’orientation des lycéens en fonction des besoins économiques locaux et renforçait la professionnalisation de certaines filières. Le copier-coller de
cette réforme à l’enseignement supérieur, montre bien qu’il s’agisse d’une dynamique globale engagée depuis plusieurs années par le gouvernement visant à se décharger du terrible fardeau
financier que représente l’enseignement public. Il faut bien être conscients que les préconisations du rapport Hetzel s’inscrivent dans la droite ligne des réformes mises en places, ou non si
elles ont put être stopper par un mouvement social d’ampleur, ces dernières années par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, telles que la LOLF, le LMD, la LMU, la loi sur la
décentralisation, la loi Fillon, la LOPRI, la LEC et bientôt les PRES, la liste est longue. Toutes ces reformes convergent vers un même objectif, la marchandisation de l’Education livrée en
pâture au secteur privé.
Quant à la pseudo autonomie que les université acquièrent de par ces réformes (LMD, LMU, LOLF, LOPRI, PRES) elles ne travaillent que pour un
seul but : la mise en concurrence entre les universités à l’échelle national mais surtout européenne. Le rapport Hetzel affiche la volonté de diffuser le « le rayonnement économique et
culturel » de la France. Qu’est-ce que la culture économique de la France selon Hetzel ? C’est la copie conforme du modèle anglo-saxon, une économie libérale ou tout passe par le marché
même ce qui doit appartenir à tous comme l’éducation, la connaissance. L’éducation n’échappe pas à la règle. La sémantique utilisée dans ce rapport est d’ailleurs assez révélatrice on ne parle
plus de « savoir » mais de « compétences », on ne dit plus « discipline » mais « offre de formation », on ne dit plus « connaissance » mais
« aptitudes » qui serait naturelle et non pas le résultat de 15 ans passés à l’école, on ne parle plus d’ « avenir » mais de « débouchés ».
Et bien que le gouvernement feigne proprement de se préoccupper des inquiétudes exprimées par la jeunesse lors du mouvement contre la LEC, et
a lancé suite à cela un grand débat national, ce n’est, en réalité, que de la poudre aux yeux. Ce genre de consultation n’a pour seul objectif que de nous endormir en donnant l’impression d’un
semblant de participation à la vie universitaire et plus largement à la vie politique. Que cela n’en déplaise au Medef, l’université tend à devenir une jungle où il règne en maître et où la
sélection malthusienne fait loi, seuls les plus aptes survivront ...JC Seclin, Templemars,
Vendeville,Wattignies, Haubourdin, Emmerin, Houplin-Ancoisne,Santes, Wavrin, Don, Allenes les Marais,
Carnin, Annoeullin, Bauvin, Provin, Gondecourt,Avelin, Martinsart, Attiches, Phalempin, Tourmignies,
Pont-à-Marcq, Mérignies, La Neuville, Wahagnies, Libercourt, Oignies, Ostricourt, Moncheaux, Raimbeaucourt, Leforest, Faumont, Mons-en-pévèle, Thumeries,