Tout commence en 1994, le 1er janvier, lorsque les troupes paramilitaires du "Sous-Commandant Marcos"EZLN, l'Armée zapatiste de libération
nationale. Leurs revendications ne sont pas nouvelles : plus de libertés publiques, de droits civils, des écoles, des hôpitaux, des crédits à taux bonifiés, la répartition équitable des
terres, le respect de leurs langues et de leurs traditions, la participation dans les décisions politiques qui les concernent ... En fait, ce que réclamaient déjà les révolutionnaires le
1910 : "Tierra y Libertad !". De plus, la question des Indiens et de leur place dans la société mexicaine est enfin posée, ce qui revient à dire qu'il trouve enfin le moyen
d'exprimer non seulement leurs doléances, mais tout simplement d'affirmer leur existence car "ils sont les oubliés de la patrie". investissent et occupent les principales villes
de l'Etat du Chiapas, dont San Cristóbal de Las Casas, la plus touristique de la région, et à l'exception de la capitale, Tuxla de Guttiérez. Ce n'est pas un hasard car c'est aussi le
jour où entre en vigueur l'accord sur l'ALENA (Accord économique de libre échange), traité économique signé par les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, tournant libéral souhaité par le
F.M.I. (Fonds monétaire internationale) de la politique économique mexicaine : il fallait frapper fort pour se faire entendre. Le pays est sous le choc, et découvre avec surprise ces
rebelles masqués qui se réclament du légendaire Emiliano Zapata.
Au début, les combats sont limités. Le gouvernement est dépassé car il n'y a pas beaucoup d'informations et on ne sait pas trop ce qu'il se passe... On envoie l'armée qui
tente rapidement de reprendre les choses en main. Il y a des bombardements massifs sur les positions zapatistes et des combats très durs dans les rues des villes. Le 12, on dénombre 400
morts mais la population locale semble se rallier au insurgés.
Voyant que la situation ne tourne pas à son avantage, le président Carlos Salinas ordonne à l'armée d'appliquer un cessez-le-feu et dépêche un émissaire pour
entamer des discussions avec ces rebelles qui semblent déterminés et bien armés (La rumeur parlait d'eux depuis quelques années, mais en fait les experts estiment aujourd'hui qu'ils
étaient moins de 1000 hommes en arme et sans grosse logistique).
Les premiers contacts ont lieu le 21 février à San Cristóbal mais ils ne mènent à rien. L'armée est prise de court et le gouvernement s'inquiète d'une
possible flambée dans les autres régions. Le 10 juin, les zapatistes refusent la paix. Tout cela fait désordre auprès des autres nations (et des touristes), la presse se déchaîne et
Salinas ne voit qu'une solution pour calmer le jeu : la création d'une commission gouvernementale et la promesse de mettre en route une réforme agraire "aménagée". Mais les
réformes promises ne sont que partiellement appliquées. L'Armée fédérale et la police investissent massivement la région : les élections présidentielles approchent et la force semble être
le meilleur moyen de bâillonner les contestations qui pourraient apparaître dans d'autres régions. De plus, le gouvernement sait bien que le Chiapas, malgré la pauvreté qui ronge sa
population, est un état riche et même vital pour le reste du pays car il lui fournit à lui seul plus de 40% de son énergie grâce aux nombreux barrages hydroélectriques qui quadrillent la
région. Sans compter les gisements de gaz et de pétrole qui aiguisent les appétits des grandes multinationales. D'ailleurs, c'est aussi un autre sujet de revendication des zapatistes que
de dénoncer les effets néfastes de la mondialisation qui multiplie les richesses mais ne les redistribue pas
En août, les élections nationales reconduisent le P.R.I. au pouvoir : le nouveau président, Ernesto Zedillo Ponce de Léon, promet de reprendre les
négociations mais l'EZLN dénonce les fraudes constatées et surtout l'assassinat de son rival du P.A.N. Luis Donaldo Colosio (dont on apprendra plus qu'il fut assassiné sur l'ordre direct
du frère de Zedillo, Ernesto Zedillo étant lui-même actuellement en exil en Irlande !). De plus, à peine élu, une grave crise financière s'abat sur le pays qui doit faire d'urgence appel
aux instances internationales et aux Etats-unis pour ne pas sombrer. La population réagit violemment dans cinq états et le pouvoir doit montrer qu'il est toujours aux commandes. Le
nouveau gouverneur du Chiapas ne fait que continuer la politique précédente et il faut attendre la fin de l'année pour que l'évêque de San Cristóbal, Monseigneur Samuel Ruiz García, qui
milite activement pour la cause indienne, accepte d'être le médiateur officiel des nouvelles négociations qui s'engagent entre les deux partis sous le nom de "Commission nationale de
médiation" (Conai).
1995..
En 1995, alors que le gouvernement était en plein pourparler avec les zapatistes, et sur le point de signer les Accords de San Andrès, la population et les touristes pouvaient voir des
publicités vantant la beauté paradisiaque du Chiapas sur les chaînes nationales. Quelques minutes plus tard, dans les journaux télévisés, ils pouvaient voir ces guérilleros cagoulés qui
semblaient avoir pris le contrôle de presque toute la région...
Il n'y avait pas de problème au Chiapas, du moins pour les agences de tourisme et les gens de la capitale : c'est une tradition au Mexique que de tenir
plusieurs discours...
Le sous-commandant Marcos commence à propager son image de rebelle cultivé, avec sa fameuse pipe et ses bottes en caoutchouc. Malgré l'organisation
communautaire et la partage des tâches et des biens qui font penser au modèle communiste, Marcos se démarque rapidement du Che, auquel on veut le comparer : la guerre froide est
terminée et il semble bien qu'il ne veuille pas imposer un nouveau régime politique marxiste ou nationaliste comme ce fut le cas dans les années 80 au Nicaragua, au Salvador ou au
Guatemala.
On peut constater aussi que leur combat ne les a jamais conduit à assassiner aveuglément, ni à faire d'attentat meurtrier, ni à s'associer aux
narco-trafiquants (comme en Colombie ou au Pérou), ni à pratiquer l'enlèvement contre rançon pourtant si fréquent au Mexique. Des guérilleros pacifiques ? L'histoire n'en a guère connu,
et pourtant c'est leur ligne de conduite.
Tout ce qu'ils réclament, c'est l'application juste et entière de la loi et des principes posés par la Constitution mexicaine et qui sont les principes des
Droits de l'Homme : que tous les citoyens soient libres et égaux en droit. On peut faire le parallèle avec le combat des Noirs nord-américains pendant les années 60. Malgré leurs diverses
origines, ces Indiens sont nombreux : 10 millions, un Mexicain sur 10. Son discours parle aussi des conséquences désastreuses du néolibéralisme qui ne font qu'aggraver les inégalités ici
comme ailleurs. C'est aussi ce qui explique sa popularité et son discours mesuré qui dépasse les frontières de son pays. Mais qui est-il vraiment ? Une histoire dit de lui qu'il serait
arrivé au Chiapas après une soirée bien arrosée et qu'au lieu d'aller à Acapulco, il se serait retrouvé-là par erreur. On sait aussi qu'il n'a aucune origine indienne. Et faut-il croire
les militaires qui semblent avoir réussi à le démasquer : Rafael Sebastián Guillén Vicente, 44 ans, ancien professeur de philosophie reconverti dans la lutte armée, ce qui serait
compatible avec ses propos souvent agressifs, notamment à l'égard de Fox, mais qui dans le fond sont très légalistes ?
les Accords de San Andrés Larrainzar
Le 16 février 1996, un accord est enfin signé : les "Accords de San Andrés Larrainzar" reconnaissent enfin le droit des Indiens. C'est le nœud du problème du Chiapas : les
Indiens que les Mexicains préfèrent appeler "Indigènes". 500 ans après la Conquête espagnole, les Indiens restent déconsidérés, sans les droits élémentaires ni la reconnaissance
que la constitution doit leur garantir.
En ce mois de mars 2001, une affaire défraye encore la presse locale : la traite de femmes dans les zones isolées des hauts-plateaux du Chiapas révèle que
l'esclavagisme n'est pas mort au Mexique. Ce n'est que l'un des aspects de la discrimination qui les touche. L'Etat n'a jamais rien fait dans cette zone reculée et ce n'est plus
maintenant qu'il peut le faire. De plus, avec les conflits révolutionnaires au Nicaragua et ailleurs, la région a vu le flot des réfugiés s'installer sans pouvoir faire grand chose non
plus pour les aider. Les Indiens du Chiapas restent cantonnés dans leurs forêts sans pouvoir revendiquer quoi que ce soit. Ils sont le triste symbole des autres Indiens du Mexique. Leur
cause se diffuse peu à peu et certains intellectuels s'engagent n'hésitant plus à parler d'un véritable "ethnocide silencieux" qui les condamnent tous à moyen terme. Ethnocide
comme c'est le cas pour les Lacandons, ethnie descendant des Mayas et dont la population n'est plus constituée aujourd'hui que de quelques centaines de membres qui n'ont que peu de chance
de survivre aux assauts de la modernité (et alors qu'ils avaient été relativement épargnés pendant plusieurs siècles car ils s'étaient réfugiés dans le forêt dense du centre du Chiapas).
Mais, ils ne sont pas les seuls : Tzotziles, Tzetales, Mochos, Tojolabades... En tout, plus d'un million d'Indiens, "ceux qui ont la couleur de la terre". Malgré la signature des
"Accords de San Andrés", il apparaît rapidement que ce ne soient-là qu'une manœuvre de diversion. Comme à son habitude, le gouvernement ne ratifie pas ces accords qui
demanderaient trop de moyens financiers et humains. Le Mexique est immense et ses priorités sont ailleurs...
1997 ...
En juin 1997, après 3 ans et demi de négociations infructueuses, Monseigneur Samuel Ruiz García quitte la table des négociations de la Conai qui se dissout aussitôt. Il a échappé quelques
mois plus tôt à un attentat et il réalise que le gouvernement ne souhaite pas de règlement pacifique qui lui ferait perdre la face et continue de manigancer dans l'ombre. Ici, c'est une
tradition vieille comme le pays que de régler les problèmes politiques par les armes. L'armée installe sept garnisons dans le région, et ce n'est que grâce aux efforts des ONG et de la
"société civile" que le fief de Marcos, le village de la Realidad, n'est pas pris d'assaut avec les conséquences que l'on imagine.
Mais le calme n'est pas revenu : dès la fin de l'année, des massacres de sympathisants sont signalés comme à Acteal le 22 décembre (45 Indiens Tzotzils parmi
lesquels 21 femmes et 15 enfants...). Il semble que ce soit le fait de paramilitaires dont les tristes "Masques Rouges", affiliés au P.R.I. : très disciplinés et surtout
constitués par les familles des propriétaires terriens, leurs ordres ne peuvent venir que d'en haut... D'autres groupes paramilitaires se sont constitués en réaction, comme les
"Guardias Blancas" ou "Paz y Libertad" (qui revendiquera l'attentat contre Monseigneur Ruiz García), dirigés par les patrons des latifundias, ces grands
propriétés agricoles qui produisent surtout du café et appartenant essentiellement aux "blancs" qui ont peur de perdre leur terres, et qui recrutent alors à
tour de bras des Indiens en espérant semer la division dans leurs rangs.
Des opérations de représailles sont menées mais les massacres ne font que renforcer la déterminations des zapatistes qui voient affluer dans leurs bastions
les populations apeurées qui ont fui les zones dangereuses. Leur vie dans les montagnes froides et humides ne fait que les affaiblir davantage. Même la Croix Rouge mexicaine ne peut plus
assurer sa mission, manquant de médicaments ou tout simplement parce que les militaires leur interdisent de circuler dans les zones incontrôlées. Pire, les médicaments dont ils disposent
sont souvent périmés ce qui accroît le méfiance des Indiens. Depuis, rien n'a vraiment évolué et aucune solution ne semble être envisageable malgré les pressions intérieures et
internationales qui grossissent avec l'importance croissante du Mexique sur la scène internationale.
2000 : année d'éléction.
Au mois de juillet 2000, Vicente Fox Quesada, le candidat de P.A.N. (Parti d'Action Nationale, centre-droit), est élu triomphalement par la population et met fin au règne sans partage du
P.R.I. pendant plus de 70 ans. Il a évidemment fait des promesses pour le Chiapas, et avait même déclaré qu'il pouvait régler pacifiquement le problème de Chiapas "en un quart
d'heure"... Marcos le prend au mot mais il faut attendre décembre 2000 pour que Fox soit effectivement investi. Marcos et les zapatistes retrouvent confiance car ils savent que Fox
n'est plus l'homme de paille d'un parti qui contrôlait tous les rouages du pouvoir pour son compte. Marcos ne reconnaissait aucune légitimité au précédent président Salinas et
n'envisageait pas de négocier véritablement avec lui. Avec l'élection de Fox, la situation semble s'éclaircir ..
Les Zapatistes marchent sur Mexico.
L'idée d'une marche sur la capitale Mexico semble farfelue, voire suicidaire, mais certains voient-là une idée de génie. On repense à Zapata et Pancho Villa prenant la ville par les armes
et s'installant au palais présidentiel... Mais on sait que le mouvement zapatiste souhaite une solution pacifique au problème de Chiapas : ils proposent de se rendre à Mexico sans leurs
armes et avec l'intention de s'intégrer à la vie politique "normale".
Il s'agit surtout de mettre la pression sur Fox qui prône officiellement la réconciliation. Pour que le gouvernement puisse envisager d'arriver à une
solution, il lui suffit de mettre en œuvre les trois revendications posées par Marcos avant tout dialogue : ratification des "Accords de San Andrés" qui sont restés lettre morte
depuis 5 ans, libération des prisonniers politiques et évacuation des troupes militaires de la région.
Fox ne peut que poursuivre l'élan qu'il a initié. Que risque-t-il d'ailleurs maintenant que le pouvoir semble avoir retrouvé sa légitimité auprès de la
nation ? Pourtant, les "Accords de San Andrés" demandent un modification de la constitution, à la majorité des deux tiers, et que la chambre des députés est toujours
majoritairement aux mains de l'ancien gouvernement qui ne manquera pas une occasion de se ressaisir. D'ailleurs, lorsque la marche a commencé, seuls soixante militants zapatistes
avaient été relâchés (sur une centaine), et seule une partie des militaires était partie. Tout cela peut se comprendre : Fox montre qu'il a l'avantage puisqu'il a le pouvoir et qu'on ne
peut lui forcer trop facilement la main. Mais est-ce la vérité ?
La marche des zapatistes menée par le sous-comandant Marcos à travers tout le sud du pays (3.000 km à travers 12 Etats) s'est achevée dimanche 11 mars sur le
zócalo, la grande place de Mexico, devant le Palais présidentiel. 200000 personnes ont pu lui apporter-là le soutien qu'il savait par avance acquis.
Les sondages montrent que 40 à 50 % des mexicains sont favorables à Marcos et ils sont nombreux à attendre ces changements que lui seul semble être capable
de provoquer. Et de voir certains journalistes comparer cette "longue marche" à celle de Mao, ou d'autres de voir en Marcos un messie. Mais son objectif est connu. Il est plus à
comparer à Gandhi ou à Martin Luther King : un guide spirituel au discours fédérateur sans être démagogique. Le Mexique doit retrouver sa fierté et ce n'est pas pour rien que Marcos
répète dans tous ses interviews : "Il est temps que ce pays cesse d'être une honte. C'est l'heure des peuples indiens", car il sait que tous les mexicains sont des Indiens, dans
le sens ou tous ont le droit à profiter pleinement de leur citoyenneté. Fox et les zapatistes ont déjà trouvé un accord sur le contenu de la "Loi sur les droits et la culture
indigène" et sur les propositions de la "Commission de concorde et de pacification" (Cocopa) mise en place en 1995. A Fox de convaincre les membres du Congrès (qui est
l'équivalent du Parlement français) de la nécessité de cette réforme tant de fois promise. Mais ce n'est que le début d'un long processus qui doit durer plusieurs mois avant l'adoption
d'une nouvelle constitution qui ne fera plus des Indiens des parias. On imagine l'immense espoir qui est apparu dans la population mexicaine mais aussi dans tous les autres pays
d'Amérique Latine qui connaissent aussi ce problème.
Au bout de cette semaine passée à Mexico, le Sous-Commandant Marcos n'a toujours pas obtenu ce qu'il voulait. Il semblait penser que les débats sur la loi en
faveur des Indiens au Congrès s'engageraient rapidement mais les députés non pas suivis. Il souhaitait aussi pouvoir s'exprimer directement à eux à la tribune avant l'ouverture des débats
mais rien n'a été encore décidé pendant la semaine. La gauche est dans l'ensemble favorable à cette intervention mais la droite ne semble pas vouloir accepter qu'un rebelle masqué puisse
s'exprimer devant eux dans l'enceinte de l'hémicycle. Marcos soupçonne en fait les députés de refuser cette "discussion digne" que le président Fox avait promis d'orchestrer. De
l'Ecole nationale d'anthropologie et d'histoire de l'université de Mexico où il est "hébergé", il a menacé hier de retourner dans sa forêt du Chiapas si la situation n'évoluait pas d'ici
la fin de la semaine prochaine. Condamnant l'"étroitesse d'esprit" des politiciens mexicains, il a affirmé devant les journalistes que "les zapatistes ont attendu avec
patience que le Congrès accepte un dialogue digne et respectueux" et que leur refus de tenir leur promesse est "indigne et irrespectueux". Le bras de fer est engagé
Cepandant, Malgré leurs réticences, les députés (composant la chambre basse du Congrès mexicain) ont finalement autorisés les zapatistes à pénétrer dans leur
enceinte. Lles guérilleros masqués ont pu entrer dans le Parlement, acclamés par des milliers de sympathisants qui s'étaient amassés autour de l'édifice. On frôle le surréalisme :
imaginez des séparatistes corses cagoulés assis au premier rang de l'Assemblée Nationale ! Pourtant, cela s'est produit. Même si les 207 députés du P.A.N., le parti de président Fox,
n'ont pas voulu assister à ce qu'ils considèrent comme une hérésie. C'est un jour historique car jusque-là la tribune du Parlement était réservée aux présidents, aux chefs d'Etat
étrangers, aux ministres ou parlementaires. Cependant Marcos n'a pas voulu faire partie de la délégation invitée à exposer ses revendications : l'adoption d'une nouvelle loi permettant
une plus grande autonomie politique pour la communauté indienne du Mexique et surtout la promesse d'abandonner la lutte armée si cette nouvelle loi était adoptée. Est-ce la preuve d'une
mauvaise volonté ou a-t-il préféré s'effacer face à la pression médiatique qui pourrait nuire au message des zapatistes et laisser un véritable indien parler à la tribune ? C'est une
femme d'origine indienne qui l'a remplacé, le commandant Esther, pour l'ouverture des débats. Elle a pu prendre la parole devant les députés, le visage masqué, vêtue d'un châle
traditionnel blanc brodé de fleurs roses.
Au premier rang de l'hémicycle avait pris place les 23 commandants de l'EZLN. Calmes et attentifs, ils ont pu écouter le discours de leur
représentante.
Les zapatistes ont ensuite pu être interrogés par les députés par l'intermédiaire de leurs porte-paroles, les commandants David et Zebedeo. La reprise des
négociations, qui ne passe aussi que par la diminution de la pression militaire sur les bases rebelles du Chiapas, est entamée. Déjà, la rencontre du commandant zapatiste Germán et du
responsable du gouvernement pour la paix , Luis H. Alvárez arrivé cette semaine au Chiapas, ont portés leurs fruits : d'autres prisonniers zapatistes ont été libérés. Puisque les
promesses commencent à être remplies, les zapatistes se disent prêts, après 7 ans de guérilla, à abandonner la lutte armée. Mais ce ne sera pas dans l'immédiat.
Marcos est réapparu devant le Parlement dès la fin du discours de sa représentante pour tenir un meeting improvisé. Il s'est félicité de la reprise du
processus, mais a annoncé son intention de retourner au plus vite au Chiapas : "Demain, nous allons faire nos sacs à dos pour rentrer chez nous". Mais peut-il déjà crier victoire
? Il semble que non et les observateurs ne peuvent que se souvenir de sa promesse : il n'enlèvera son passe-montagne que le jour où son combat sera terminé...
Marcos est rentré au Chiapas ce premier avril acclamé comme un libérateur par la foule qui l'attendait après sa mission dans la capitale. Il est rentré dans
les livres d'histoire... Il sait qu'il a gagné la première manche. Le porte-parole de Fox peut enfin dire : "Pour trouver une solution au conflit du Chiapas nous avons fait plus en
six mois que durant les six dernières années."
Quelques chiffres en guise d'exemple : des prêts, des microcrédits, plus de 150000 familles indigènes concernés dans tout le pays, et indique que deux des
bases militaires du Chiapas (Réo Euseba et Guadalupe Tepeyac) seront transformés en "centre de développement indigène". La machine semble être lancée mais la hiérarchie
suivra-t-elle ? On connaît l'inertie de l'administration et il n'est pas sûr que l'enthousiasme des sénateurs soit général après des caciques locaux.
Les sénateurs mexicains, après des débats qui se sont déroulés dans une ambiance assez sereine, ont enfin adoptés dans la nuit la "Loi sur les droits des
indigènes". C'est une grande victoire pour les Zapatistes et pour le gouvernement qui remplit ainsi la seconde condition posée par Marcos pour sceller l'accord de paix définitif.
Encore faudra-t-il la confirmation de ce vote par celui des députés...
L'après Mexico...
Un correspondant du journal "Le Monde" à Mexico, André Renaud, titrait "Menaces sur le dialogue de paix au Mexique".
La loi adoptée par les sénateurs semble finalement passer sous silence l'essentiel des revendications des Indiens comme le reconnaît lui-même l'un des
membres du gouvernement : "Il faut reconnaître pleinement l'autonomie des Indiens". Le président Vicente Fox doit désormais trouver le moyen de sortir de l'impasse et ne pas
donner l'impression qu'il n'a fait les choses qu'à moitié. Mais la tâche est d'autant plus difficile que sa propre formation, le Parti d'Action Nationale, a déjà indiqué qu'elle n'était
nullement disposée à modifier dans le bon sens la nouvelle loi. Fox aura-t-il assez d'autorité pour contraindre ses troupes à modifier un texte qu'elles jugent déjà très (trop) libéral ?
Marcos est rentré au Chiapas et le temps ici au Mexique joue en faveur de ceux qui ont le pouvoir. Diego Fernando de Cevallos, le leader du PAN, parti du président Fox, n'a pas
caché qu'il jugeait, lui et les députés, en avoir fait déjà beaucoup : "Au Parlement, ce sont les sénateurs et les députés qui décident et non le sous-commandant Marcos".
Au Chiapas, Marcos perd patience malgré le crédit qu'il avait accordé au Parlement. Aujourd'hui, il dénonce ce qu'il appelle "le sabotage" que
constitue le vote de cette loi vidée de sa substance et demande à son représentant demeuré à Mexico de suspendre sine die toute discussion avec les autorités. Cette première étape
décevante amène déjà un nouveau bras de fer qui ne pourra pas durer. Nous arrivons à un nouveau moment délicat et c'est au président Fox de trouver la solution entre des parlementaires
qui estiment en avoir fait suffisamment et des zapatistes qui restent méfiants face à un gouvernement habité aux volte-faces.
C'est un mauvais film qui se joue à Mexico
Les sénateurs qui étaient sensé écrire une nouvelle loi donnant enfin des droits et une autonomie aux Indiens, et qui avaient cru pouvoir se débarrasser du
problème du Chiapas si simplement, ont finalement largement amendés le texte de loi, le rendant insatisfaisant pour tous. La gauche n'a rien pu faire : "C'est une infamie contre les
Indiens, cette réforme est totalement illégitime. On vient de renier la reconnaissance de leurs droits et de leur culture" (Libération du 16/07), comme le dit Hector Sanchez
, député du PRD, effaré de voir que c'est un nouvel affront pour tout ceux qui avaient espéré que le problème allait enfin être dignement résolu. La loi était passé comme un lettre à la
poste depuis son adoption en avril par le parlement, puis par les Assemblées des 31 états que compte le pays et qui se poursuivent (dont déjà 17 pour, 9 contre dont ceux qui sont le plus
concerné par la question indienne : Le Guerrero, Oaxaca et... même le Chiapas, qui n'a pas réussi à trouver une majorité de "oui").
Les Zapatistes n'ont pas repris de contact officiel avec le gouvernement et leur porte-parole du Chiapas signale déjà la présence de nouvelles forces
militaires "qui seraient en train de se redéployer". Marcos muet, les Indiens dans l'attente, il n'y a que Fox qui se permet d'être encore optimiste mais, comme le dit Hector
Sanchez :"il s'est moqué des Indiens. Il fait de beaux discours en leur faveur, mais il permet le vote d'une loi contre eux".
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Nous nous arrêtons au bord de l'année 2003...
Le Zapatisme est pourtant plus que jamais d'actualité !
Mais Marcos et l'EZLN continuent toujours de lutter...Nottament grâce a internet qui constituent une de leur meilleurs armes !
Il y a un an, lors des premiers jours de l'année de 2006, alors que tout le monde croyait l'EZLN terminée, les zapatistes ont repris leur marche avec un deuxième Zapatour !
Marcos écrit beaucoup, Il a nottament publié un livre : Ya basta. En deux tomes remplis de clés, de réalité, de poésie et de larmes. Ils rassemblent
deux ans de communiqués de Marcos adressés aux peuples, aux journaux, aux gouvernement, aux associations, à des auteurs parfois, à des enfants.
les bénéfices sont intégralement reversés à la lutte de l’EZLN
Ces livres, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne caressent jamais la violence dans le sens du poil. Ils ne sont pas un cri de guerre, mais un témoignage de survie, et un appel
à la résistance pacifique, civile et mondialisée des utopistes.
Je le conseille à toutes celles et tous ceux que les enjeux de notre avenir commun interpellent.
Le zapatisme n’est définitivement pas un dogme totalitaire, mais il offre un très beau point de départ à une réelle révolution spirituelle.
Pour finir cet article par une petite citation..
"Au-delà de leurs échecs et de leurs succès,
les zapatistes ont transformés, de façon radicale,
ce que signifie aujourd'hui être mexicain."
Tim Jordan